Accompagner les adolescents radicalisés ou en voie de radicalisat


Le Dr Guillaume Corduan, pédopsychiatre à la Maison des adolescents (MDA) de Strasbourg, partage son expérience du dispositif VIRAGE.

Qu’est-ce que le dispositif VIRAGE ?

Le dispositif VIRAGE (Violences, radicalités, accompagnement, guidance et écoute) a été mis en place à Strasbourg en 2015, après les premiers départs de jeunes vers la Syrie. Il s’agit d’un dispositif financé exclusivement par l’Agence régionale de santé (ARS) et non par une structure sécuritaire. Il vise à accompagner les jeunes repérés comme étant en voie de radicalisation ou déjà radicalisés, ainsi que leur famille.

L’équipe est composée de professionnels issus de la pédopsychiatrie, de la psychologie, du travail social et de l’éducation spécialisée. Le travail consiste à proposer un accompagnement pluridisciplinaire, individualisé, reposant sur une alliance thérapeutique et une approche clinique avant tout.

Que recouvre le terme de radicalisation violente ?

La radicalisation violente n’est pas une pathologie mentale, mais plutôt la rencontre entre une vulnérabilité individuelle – souvent psychique ou sociale – et une idéologie qui légitime le passage à l’acte violent. Elle est multifactorielle et résulte de processus complexes qui varient selon les individus.

Le psychiatre a-t-il un rôle à jouer dans ce processus ?

Longtemps, la psychiatrie a été tenue à l’écart de la compréhension des phénomènes de radicalisation, mais les choses évoluent. Aujourd’hui, le regard psychiatrique est de plus en plus sollicité, que ce soit par les autorités judiciaires, les services de protection de l’enfance ou encore les services éducatifs.

Il ne s’agit pas de pathologiser tous les parcours, mais d’apporter un éclairage clinique permettant de mieux comprendre les dynamiques à l’œuvre.

Les formes de radicalisation sont-elles toujours liées au djihadisme ?

Non, nous observons aujourd’hui une diversification des formes de radicalisation : extrême droite, suprémacisme blanc, misogynie radicale, complotisme extrême, etc. Tous ces phénomènes ont en commun l’adhésion à une vision du monde manichéenne, la haine de l’altérité et parfois la glorification de la violence.

Existe-t-il un profil type de jeune radicalisé ?

Il n’existe pas de profil unique, mais des trajectoires de vie marquées par des facteurs de vulnérabilité : antécédents de maltraitance, ruptures familiales, instabilité identitaire, troubles psychiques non pris en charge, etc. Beaucoup de ces jeunes présentent un fonctionnement psychique singulier, avec une prédominance de la haine et de la fascination pour la mort.

Tous ces jeunes présentent-ils une pathologie psychiatrique ?

Non, la plupart ne relèvent pas de troubles psychiatriques majeurs comme la schizophrénie ou les troubles bipolaires. En revanche, nous retrouvons fréquemment des troubles de l’attachement, des états de stress post-traumatique complexes, ou encore des syndromes dépressifs sévères.

Quelle est la place des familles dans l’accompagnement ?

La famille est un acteur central. Il est fondamental de restaurer les liens familiaux, souvent distendus ou conflictuels, pour créer un environnement sécurisant pour le jeune. Le travail avec les parents est essentiel, car ils peuvent eux aussi être en grande souffrance, culpabilisés ou dépassés.



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